Neil Postman, Technopoly, l’échappée 2019 [1992]

Préface

[le projet de Postman] vise à proposer […] une réflexion sur l’ambivalence profonde du système technique moderne et une généalogie de notre fascination collective pour les nouvelles technologies et l’innovation. […]. Il insistait sans cesse sur la non-neutralité des technologies médiatiques, la forme de la transmission impliquant toujours certains biais cognitifs. (p8)

[…] ce n’est pas la répression brutale et la censure de l’information qui constituent la principale menace qui pèse sur le présent, mais, à l’inverse, la surcharge, l’omniprésence des informations noyées dans un océan d’insignifiance. (p9)

Pour Postman, la culture n’est pas une entité en soi qui pourrait disparaître ou être détruite, elle se reconfigure et se réorganise au fur et à mesure des outils et des modes de diffusion. (p11)

La technologie produit en effet des perdants et des gagnants, observait-il, et il n’y a donc rien d’irrationnel pour les perdants à s’y opposer. […] Mais les luddites n’étaient ni puérils ni naïfs, ils tentaient désespérément de préserver les droits, privilèges, lis et coutumes qui les avaient avantagés par le passé. (p13)

Ce manifeste avait essentiellement pour rôle de définir les conditions minima auxquelles les technologies peuvent être acceptables : sont socialement acceptables les technologies dont on peut être assuré qu’elles seront favorables à la justice économique, à la liberté politique et à l’équilibre écologique. (p14)

Avertissement des traducteurs

[Postman] montre que la technique s’émancipe d’abord de la morale ; il qualifie cette phase de technocratie. Puis le développement technique échappe à la maîtrise du politique et du culturel, c’est alors l’ère da la Technopoly dans laquelle nous sommes plongés. (p48)

Introduction

En vérité, le développement incontrôlé de la technique détruit les sources vitales de notre humanité. Elle crée une culture dépourvue de fondement moral, sape certains processus mentaux et mine les relations sociales qui donnent du sens à la vie. (p20)

CH1 L’opinion du roi Thamous (p21)

Cette histoire, racontée par Socrate à son ami Phèdre, se déroule comme suit : Thamous [roi de Haute Egypte] reçoit un jour le dieu Theuth, inventeur des chiffres, du calcul, de la géométrie, de l’astronomie, de l’écriture et de bien d’autres choses. Theuth présente ses inventions au roi en préconisant de les faire connaître et de les rendre accessible à tous les Egyptiens. Socrate ajoute :

Thamous se penche sur les inventions de Theuth, écoute attentivement ses affirmations, et rend un avis critique et approfondi sur chacune. Pour l’écriture, Theuth déclare : « Ceci, Votre Majesté, améliorera la sagesse et la mémoire des Egyptiens. » Thamous rétorque : « Theuth, mon parangon des inventeurs, l’inventeur d’un art n’est pas le mieux à même de juger des conséquences positives ou négatives sur ceux qui les pratiqueront. Aveuglé par l’amour de votre invention, vous prenez ses défauts pour des qualités. Ceux qui s’appuieront sur l’écriture pour garder la trace des choses, cesseront d’exercer leur mémoire. Quant à la sagesse, vos élèves n’en auront que l’apparence. Sans instruction digne de ce nom, la grande quantité d’information qu’ils recevront les remplira de vanité. Ils deviendront un fardeau pour la société. » (p21)

En dressant le bilan du coût du progrès technique, [Freud (malaise dans la civilisation)] adopte un point de vue plutôt pessimiste et se range derrière l’avis de Thoreau : nos inventions n’améliorent que les moyens et non les fins. (p23)

[…] les évolutions techniques majeures transforment le sens des mots, le plus souvent à notre insu. […] Les mots anciens ont l’air identique et sont toujours employés dans les mêmes sortes de phrases. Pourtant, ils ne veulent plus tout à fait dire la même chose, au point d’avoir parfois des significations contradictoires. (p25)

[…] la caste qui contrôle les rouages d’une technique accumule un pouvoir qui finit par se retourner contre les ignorants. […] une nouvelle technique, après avoir fait table rase du monopole en place, crée un nouveau monopole qui profite à une autre caste. (p26)

[…] certaines questions primordiales ne sont jamais soulevées. A qui la technique donnera-t-elle plus de liberté et plus de pouvoir ? Et à qui en ôtera-t-elle ? (p27)

[…] il est compliqué de prédire qui seront les gagnants et les perdants après le déploiement d’une nouvelle technique dans la culture, car les changements induits seront subtils et mystérieux. Parmi les plis imprévisibles se trouvent ceux que l’on pourrait qualifier d’idéologiques […]. […] cela modifierait les notions de « connaissance » et de « vérité », mais aussi des habitudes de penser profondément ancrées, grâce auxquelles une culture conçoit l’ordre naturel des choses, ce qui est raisonnable, nécessaire, inévitable, réel. On peut mesurer toute la difficulté qu’il y a à exprimer des réalités mouvantes avec des termes dont le sens évolue sans cesse. (p28)

Chaque outil repose sur un parti pris idéologique qui nous fait comprendre le réel différemment, nous prédispose à concevoir le monde d’une certaine façon […]. (p29)

[…] le langage n’est pas seulement le véhicule, mais le moteur de la pensée. (p30)

[…] les inventeurs ne sont pas en mesure d’appréhender les conséquences sociales et psychologiques – autrement dit idéologiques – de leurs inventions. […] toute nouvelle technique s’oppose à celle déjà en place pour imposer sa vision du monde. (p31)

L’oralité encourage l’apprentissage en groupe, la coopération, et fait naître in sentiment de responsabilité sociale qui, pour Thamous, formaient le socle d’une véritable instruction. L’écrit met l’accent sur l’étude individuelle, la compétition et l’autonomie personnelle. (p33)

[…] les changements technologiques ne sont ni additifs ni soustractifs, mais « écologiques » dans le sens où l’entendent les spécialistes de l’environnement. C’est-à-dire que la modification d’un élément significatif a des répercussions au niveau global […]. (p33)

CH2 De la civilisation de l’outil à la technocratie (p37)

[… Marx] avait compris qu’au-delà de ses implications économiques, la technique façonne notre perception de la réalité qui, à son tour, façonne nos manières de penser et d’interagir. (p37)

[au Moyen Âge européen] C’est donc la théologie, et non la technologie, qui définissait ce que les gens avaient le droit de faire ou de penser. […]

Les principes théologiques servaient dans tous les cas d’idéologie de contrôle, à laquelle était soumise n’importe quelle innovation technique. […] il était presque impossible que des techniques bouleversent l’ordre des choses.

Ce « presque » est important […]. Comme Thamous le suggérait déjà, même dans les systèmes de croyance les plus cohérents, certains outils parviennent sans difficulté à créer une rupture radicale. (p41)

Tout en reconnaissant qu’aucune taxinomie ne pourra jamais rendre totalement compte de la réalité d’une situation et que la définition d’une civilisation de l’outil manque de précision, il est toutefois possible et utile de distinguer une civilisation utilisant des outils d’une technocratie. Dans cette dernière, les outils jouent un rôle central dans la façon de penser des hommes. Tout est soumis d’une manière ou d’une autre au développement des outils. Ils ne sont pas intégrés dans la culture ; ils attaquent la culture et finissent par devenir la culture. Ce faisant, ils forcent la tradition, les mœurs sociales, les mythes, les politiques, les rites et les religions à lutter pour leur survie.

La technocratie moderne en Occident puise ses origines dans le monde médiéval européen, d’où ont émergé trois grandes inventions : [l’horloge mécanique, l’imprimerie, et le télescope], qui ont ébranlé les fondements de la théologie judéo-chrétienne. (p43)

[…] Kepler a fait le premier pas significatif vers la conception de la technocratie. Il s’agit là d’un appel clair à la séparation de la morale et des valeurs intellectuelles, une séparation qui forme l’un des piliers de la technocratie. (p46)

Copernic, Kepler et Galilée posèrent la dynamite qui fit exploser la théologie et la métaphysique médiévales. Newton fut celui qui alluma la mèche. (p48)

Tous ces savants se raccrochèrent jusqu’à la fin à la théologie de leur époque. (p49)

Né en 1561, Francis Bacon fut, selon moi, le premier homme de l’ère technocratique. [… Bacon] fut le premier à voir clairement le lien entre la science et l’amélioration de la condition humaine. […]. A travers cette vision utilitariste de la connaissance, Bacon fut l’architecte en chef d’un nouvel édifice de la pensée, d’où la résignation était bannie et où Dieu était relégué dans une pièce spécifique. Cet édifice avait pour nom Progrès et Pouvoir. (p50)

[Bacon : Novum Organum] « Le progrès de l’esprit des hommes et l’amélioration de leur sort sont une seule et même chose. » C’est dans cette œuvre qu’il dénonce les quatre idoles ayant empêché l’homme d’accroître son pouvoir sur la nature : les idoles de la tribu, qui nous font prendre nos perceptions sensorielles pour des faits naturels ; les idoles de la caverne, qui sont les idées fausses transmises par l’hérédité ou dérivées de notre environnement ; les idoles du forum, qui nous trompent par l’inexactitude du langage ; et les idoles du théâtre, qui aboutissent aux dogmes fallacieux des philosophes. (p52)

CH3 De la technocratie à la technopoly (p55)

[…] la technocratie fut en plein essor vers la fin du XVIIIe siècle, surtout après la mise au point du système de l’usine par Richard Arkwright […]. En 1806, l’introduction du métier à tisser mécanique par Edmund Cartwright (un homme du clergé) révolutionna l’industrie textile en supprimant, une fois pour toutes, les ouvriers qualifiés. Ils étaient remplacés par des travailleurs dont le rôle consistait simplement à faire fonctionner les machines.

A partir de 1850, l’industrie des machines-outils se développa. (p56)

Alfred North Whitehead résuma le mieux la situation en déclarant que la plus grande invention du XIXe siècle fut l’idée même d’invention. […] L’idée que si une chose était possible alors elle devait être réalisée apparut au XIXe siècle. Avec elle se développa la croyance profonde en tous les principes qui font le succès d’une invention : objectivité, efficacité, expertise, standardisation, mesure et progrès. […]

Evidemment, tout le monde n’était pas de cet avis [William Blake, Matthew Arnold, Carlyle, Ruskin, William Morris, Balzac, Flaubert, Zola]. (p57)

Dans tous les cas, le caractère révolutionnaire des nouveaux moyens de production et de communication aura produit des idées radicales dans toutes les sphères des activités humaines. (p60)

Si la technocratie n’a pas détruit la vision du monde liée à la culture de l’outil, c’est parce que la furie de l’industrialisation était encore trop récente et trop limitée pour transformer les besoins de la vie intérieure ou pour évincer le langage, la mémoire et les structures sociales du monde antérieur. (p62)

Ainsi, deux visions du monde, l’une technocratique et l’autre traditionnelle, coexistaient non sans difficultés. La vision technocratique était évidemment la plus puissante, mais la vision traditionnelle était toujours là, effective, influente, encore assez vivante pour ne pas être ignorée. [cf Mark Twain, Walt Whitman, Lincoln, Thoreau, Emerson, Hawthorne, Melville, Tocqueville …]

L’essor de la Technopoly a fait disparaître l’une de ces deux visions du monde concurrentes dans l’Amérique du XIXe siècle, éliminant toute alternative, comme l’a écrit Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes. Elle ne les rend ni illégitimes, ni immorales, ni même impopulaires, mais simplement invisibles et donc sans importance. (p63)

[…] le livre de Taylor, L’organisation scientifique du travail, paru en 1911, contient les premières formulations explicites et formelles de la vision du monde de la Technopoly : le principal – sinon unique – but du travail et de la pensée est l’efficacité […]. […] Cette idée primordiale que la technique, quelle qu’elle soit, peut penser à notre place, fait ainsi partie des principes de base de la Technopoly. (p66)

La technocratie n’a qu’une seule préoccupation : inventer des machines. […] La technocratie ne repose pas sur un grand principe réductionniste au nom duquel la vie humaine n’aurait de sens que dans la machine et la technique – contrairement à la Technopoly.  Dans les travaux de Frederick W. Taylor, se trouve pour la première fois clairement exprimée l’idée que la société fonctionne mieux lorsque les hommes sont au service de leurs technologies et de la technique ; que les hommes valent, dans un sens, moins que leurs machines. (p67)

Pourquoi la Technopoly – la soumission de toute forme de culture à la souveraineté des machines et de la technique – a-t-elle trouvé un terrain propice en Amérique ? On peut l’expliquer pour quatre raisons corrélées et déjà bien connues. La première […]. […] la méfiance des Américains à l’égard de toute forme de contrainte – nous pourrions même ajouter à l’égard de la culture – a encouragé l’intrusion radicale et irréfléchie de la technique.

La deuxième raison, inextricablement liée à la première, tient au génie et à l’audace des capitalistes américains […]. […] Mais leur plus grande réussite fut de convaincre leurs concitoyens que le futur n’a aucunement besoin du passé.

Troisième raison : l’éclatante et prometteuse capacité des technologies du XXe siècle à fournir aux Américains confort, vitesse, hygiène et abondance […]

Enfin, […] un autre phénomène se produisit : les anciennes sources de croyance étaient assiégées. [cf Nietzsche, Darwin, Marx, Freud, Watson [béhaviorisme], Einstein]. La découverte de ces vérités eut pour effet de nous faire perdre confiance en nos croyances, et donc en nous-mêmes. Au milieu de ces décombres, il ne restait plus qu’une chose certaine en laquelle croire : la technique. (p67-69)

CH4 Un monde improbable (p71)

Fondé sur un système éducatif dépourvu de toute vision cohérente du monde, la Technopoly nous prive des bases sociales, politiques, historiques, métaphysiques, logiques ou spirituelles qui nous permettent de douter des faits. (p72)

La théologie a le pouvoir unique de nous faire vivre dans un monde sans hasard, où tout est théoriquement compréhensible, où tout événement naturel possède une signification. (p74)

Le fait est que peu de problèmes politiques, sociaux et surtout personnels surviennent à cause d’un manque d’information. Et pourtant […] les partisans de la Technopoly restent imperturbables et continuent de croire que le monde a besoin de toujours plus d’information. […] L’information acquiert un statut métaphysique : elle est à la fois le moyen et la finalité de la créativité humaine. (p75-76)

On comprit très tôt que le livre imprimé avait entraîné une crise de l’information et qu’il fallait réagir pour garder le contrôle. Modifier la forme du livre était une première solution. Une autre fut la création de l’école moderne au XVIIe siècle. […] Les écoles devinrent les premières bureaucraties séculières de la technocratie, leurs structures servant à légitimer certaines parties du flot d’information et à en discréditer d’autres. En somme, les écoles furent un moyen de contrôler l’écosystème de l’information. (p77)

De fait, un des traits caractéristiques de la Technopoly est la déficience de ce que l’on pourrait appeler les mécanismes de défense contre l’information. (p78)

Depuis le tout début du XVIIe siècle où la culture occidentale entreprit de se réorganiser pour s’adapter à l’imprimerie, jusqu’au milieu du XIXe siècle, aucun système technique ne fut introduit qui altérât la forme, le volume ou la vitesse de l’information. […] Ce n’est pas un hasard si le XVIIIe siècle a établi notre critère d’excellence dans l’exercice de la raison […]. (p80)

Le télégraphe abolit les contraintes spatiales et, pour la première fois, moyens de transport et communication furent dissociés. […] Le télégraphe fit de l’information une marchandise, une « chose » qui pouvait être achetée et vendue indépendamment de ses usages et de sa signification. (p82)

[…] la photographie fut inventée à peu près à la même époque que le télégraphe et inaugura le troisième stade de la révolution de l’information. (p83)

[…] le quatrième stade de la révolution de l’information arriva sous la forme de la radiodiffusion. Puis le cinquième stade avec l’informatique. (p83-84)

Nous agissons en présupposant que l’information est notre amie, insistant sur le préjudice bien réel qu’induit le manque d’information dans une culture. Mais nous commençons seulement à comprendre qu’une culture peut aussi pâtir lourdement d’un excès d’information insignifiante et incontrôlable. (p85)

CH5 De la morale à l’efficacité (p87)

La relation entre l’information et les mécanismes qui la contrôlent est assez simple à décrire : la technique accroît la quantité d’information disponible. Plus celle-ci augmente, plus les mécanismes de contrôle sont mis à rude épreuve, et plus il faut en créer de nouveaux pour y faire face. Lorsque ces mécanismes sont eux-mêmes de nature technique, ils ont pour effet collatéral de faire encore augmenter la quantité d’information. Cette perte de contrôle entraîne alors un déséquilibre sur le plan psychique et social. Sans système de défense, les individus ne parviennent plus à donner sens à leur existence, perdent leur capacité à se souvenir et ont des difficultés à imaginer l’avenir de façon rationnelle. (p87)

Il importe de souligner que les institutions sociales de toutes sortes agissent comme des mécanismes de contrôle, […] leur affaiblissement nous rend vulnérable au chaos informationnel. (p88)

[…] l’application et le respect de la loi entretiennent un lien étroit avec la « destruction » de l’information. (p89)

Le symptôme le plus évident de la défaillance du programme scolaire se manifeste à travers le concept « d’alphabétisation culturelle ». (p90)

Une famille qui ne contrôle pas – ou qui ne peut contrôler – l’environnement informationnel de ses enfants n’est pratiquement pas une famille, mis à part que ses membres partagent la même information biologique via l’ADN. (p91)

Les théories ont pour fonction de simplifier les choses à l’extrême, aidant ainsi leurs partisans à organiser, évaluer et trier les informations. C’est ce qui fait la force des théories. Leur faiblesse réside dans leur vulnérabilité aux nouvelles informations, due justement à leur simplicité. (p93)

Incontestablement, de moins en moins de personnes suivent les préceptes de la Bible ou d’autres religions. Par conséquent, elles ne prennent plus de décision d’ordre moral, mais seulement des décisions d’ordre pratique. Il s’agit là d’un autre trait caractéristique de la Technopoly : aucune information n’est évaluée sur le plan moral. (p95)

Ces flux [d’information produits par la technologie] ayant dévasté les théories sur lesquelles sont fondés l’école, la famille, les partis politiques, la religion et l’idée de nation elle-même, la Technopoly américaine doit recourir de façon systématique à des moyens techniques pour les contrôler. Trois de ces moyens méritent tout particulièrement notre attention […].

Le premier est la bureaucratie* […] comme « la principale solution technique à la crise du contrôle ». (p98)

[…] en principe, une bureaucratie est simplement un ensemble coordonné de techniques servant à réduire la quantité d’information à traiter. (p99)

La transformation de la bureaucratie – d’un ensemble de techniques destinées à servir les institutions sociales à une méta-institution autonome qui défend ses seuls intérêts – fut le résultat de plusieurs développements survenus au milieu et à la fin du XIXe siècle […]. (p101)

La bureaucratie aujourd’hui ne résout pas seulement les problèmes, elle les crée. Plus important encore, elle définit quels sont nos problèmes – et il s’agit toujours, pour la bureaucratie, de problèmes d’efficacité. (p101)

Le bureaucrate ne prend en compte les implications d’une décision que dans la mesure où celle-ci aura une incidence sur l’efficacité des opérations de la bureaucratie, et il n’assume aucune responsabilité en ce qui concerne les conséquences sur le plan humain. (p102)

L’expertise* constitue un autre moyen technique important par lequel la Technopoly s’efforce de contrôler l’information. […] Il n’y a pas un seul aspect des relations humaines qui n’ait été technicisé, et par conséquent placé sous le contrôle d’experts. (p103)

Le rôle de l’expert est de se concentrer sur un domaine de connaissance, de passer au crible toutes les informations disponibles, d’éliminer celles qui n’ont pas de rapport avec le problème et d’utiliser celles qui restent pour l’aider à le résoudre. Ce processus fonctionne assez bien dans des situations nécessitant uniquement une solution technique qui n’entre pas en conflit avec des finalités humaines […]. (p104)

Essentiels à la fois aux bureaucrates et aux experts, les outils techniques* peuvent être considérés comme un troisième mécanisme de contrôle de l’information. [cf test de QI, formulaires standardisés, taxinomies, sondages d’opinion] (p104)

[Les experts de la Technopoly] veulent nous faire croire que la technologie peut clairement révéler la vraie nature de la condition ou des croyances humaines, sous prétexte qu’un score, une statistique ou une taxinomie en donne une traduction d’ordre technique. (p105)

CH6 Les technologies médicales (p107)

Il s’agit là de deux idées essentielles induites par le stéthoscope : d’une part, la médecine est une affaire de maladie et non de patient ; d’autre part, ce que le patient sait n’est pas fiable et digne de confiance, à l’inverse de ce qu’observe la machine. (p114)

Dans le courant du XXe siècle, la médecine devint de plus en plus dépendante de la technologie, surtout après le développement des laboratoires de diagnostic et la découverte des antibiotiques dans les années 1940. La pratique médicale venait d’entrer dans une nouvelle ère. La première se caractérisait par un lien direct avec le vécu du patient, reposant sur sa description des symptômes mais aussi sur les questions et les observations du médecin. La deuxième se caractérisait par un lien direct avec le corps du patient au moyen d’examens physiques, incluant l’usage d’outils techniques soigneusement sélectionnés. L’ère actuelle se définit par un lien indirect avec le corps et le vécu du patient par le biais des technologies médicales. On assiste désormais à l’apparition de spécialistes […] qui interprètent des informations techniques sans aucun rapport avec le patient et uniquement à partir de tissus et de photos. (p115)

Les idées mises en avant par la domination technique peuvent se résumer ainsi : la nature est un ennemi implacable que l’on ne peut maîtriser que par des moyens techniques ; les problèmes créés par des solutions techniques (appelés « effets secondaires » par les médecins) ne peuvent être résolus que par des moyens techniques plus perfectionnés […]. (p117)

Quelles conclusions pouvons en tirer ? Tout d’abord que la technologie n’est pas un élément neutre dans la pratique médicale : ce ne sont pas les médecins qui se servent des outils techniques, mais les outils techniques qui se servent d’eux. Ensuite, que la technologie crée à la fois ses propres impératifs et un vaste système social qui vient renforcer ces impératifs. (p119-120)

CH7 Les technologies informatiques (p121)

Le message fondamental qui accompagne l’ordinateur est, pour résumer, que nous sommes des machines, pensantes certes, mais des machines tout de même. C’est pourquoi, dans la Technopoly, la machine la plus puissante et la plus parfaite de toutes est l’ordinateur. (p^124)

Donner du sens, et non seulement énoncer une parole, est une spécificité de la pensée. Le mot « sens » désigne ici bien plus que le simple agencement de symboles connus d’au moins deux personnes. Selon moi, le « sens » inclut ce qu’on appelle sentiments, expériences et sensations qui ne sont pas nécessairement – et parfois ne peuvent pas être – traduits par des symboles. En revanche, sans symboles concrets, un ordinateur est bon pour la poubelle. (p126)

La phrase « on se sert d’un ordinateur pour calculer », par une curieuse inflexion grammaticale, devient « l’ordinateur calcule ». Si un ordinateur calcule, alors il peut décider de mal calculer ou de ne pas calculer du tout. (p127)

Comme le fit remarquer Norbert Wiener, [les ordinateurs] sont une technologie de « commandement et de contrôle » et n’ont que peu de valeur s’ils ne contrôlent rien. C’est pourquoi ils ont une telle importance dans les bureaucraties. (p128)

« L’avènement de la révolution informatique et de l’âge de l’ordinateur a déjà été annoncé de nombreuses fois, écrit Weizenbaum [Puissance de l’ordinateur et raison de l’homme,1981], cependant, si le triomphe d’une révolution est à mesurer en termes de profondeur des révisions sociales qu’elle entraîne, alors il n’y a pas eu de révolution informatique. (p129)

[La Technopoly] a besoin, pour survivre, de nous faire croire que nous devons agir comme des machines et qu’elles peuvent nous remplacer de façon fiable dans de nombreux domaines. Une des conséquences de cette croyance est la perte de confiance dans le jugement des humains et la subjectivité. (p131)

[…] pour le moment, la technologie informatique fonctionne davantage comme un nouveau moyen de transport de l’information que comme un nouveau moyen de communication substantiel. (p133 > écrit avant le développement d’internet…)

Car nos problèmes les plus graves ne sont pas techniques et ne proviennent pas d’un manque d’information. Si une catastrophe nucléaire se produit, ce ne sera pas à cause d’un manque d’information. Dans les pays où les gens meurent de faim, ce n’est pas non plus à cause d’un manque d’information. (p133)

Le manque de modestie technologique est toujours un grave problème dans la Technopoly, qui le perpétue et qui nous pousse également à rester indifférent aux compétences perdues avec l’acquisition de nouvelles. Il est important de se rappeler ce qu’on peut faire sans ordinateur, mais aussi ce qui tend à disparaître quand on s’en sert. (p134)

CH8 Les technologies invisibles (p137)

Dans la grammaire anglaise, par exemple, il y a toujours des sujets qui agissent, des verbes qui décrivent leurs actions et des objets sur lesquels ils agissent. Il s’agit d’une grammaire plutôt « agressive » qui handicape ceux d’entre nous qui l’utilisent pour penser le monde comme bienveillant. Nous sommes obligés de le concevoir comme constitué de choses qui s’opposent, et qui souvent s’attaquent l’une l’autre. (p137)

Ce que nous entendons par raisonnement est déterminé par la spécificité de notre langue. Raisonner en japonais n’est apparemment pas la même chose que raisonner en anglais, en italien ou en allemand. (p138)

Une question, même la plus simple, n’est pas et ne peut jamais être objective. […] Je veux seulement dire que la structure de n’importe quelle question est tout autant dénuée de neutralité que son contenu. (p139)

L’idée que l’intelligence puisse être quantitativement mesurée sur une simple échelle linéaire a provoqué d’incroyables torts à notre société en général et au système d’éducation en particulier. (p146)

Dans la Technopoly, l’idée d’opinion publique se résume à répondre par « oui » ou par « non » à une question non débattue. (p149)

Le fait de concevoir l’opinion comme mesurable fausse le mécanisme par lequel les gens se font la leur et qui se trouve au cœur de la définition d’une société démocratique. (p149)

Les sondages ne tiennent généralement pas compte de ce que les gens savent [vraiment ou pas] quand on les interroge. (p149)

[…] les sondages reportent la responsabilité des dirigeants politiques sur les électeurs. (p150)

[…] l’entreprise moderne n’a pas inventé le management, c’est le management qui a inventé l’entreprise moderne.

Les origines du management peuvent être retrouvées dans le nouveau système éducatif introduit en 1817 dans l’académie militaire de West Point [… par Sylvanus Thayer]. Thayer apporta deux innovations majeures. La première, empruntée à l’Ecole Polytechnique de Paris, fut d’évaluer les examens par un système de notes. […] La seconde innovation de Thayer fut la création d’un système hiérarchique opérationnel et fonctionnel. […] « Des rapports quotidiens, hebdomadaires, mensuels étaient exigés – tous par écrit. » […] Thayer avait rejeté le rôle traditionnel de commandement visible et direct du directeur. Il dirigeait indirectement par des rapports écrits, des tableaux, des notes, des fichiers du personnel, etc., ce qui n’est pas sans rappeler les méthodes des chefs d’entreprise aujourd’hui. (p154-155)

Il convient de préciser que la structure fondamentale de la gestion d’entreprise trouve son origine dans un contexte extérieur au monde économique. […] En fait, le management définit ce que nous entendons par le mot « entreprise », ce qui a conduit John Kenneth Galbraith à remarquer dans Le nouvel Etat industriel : « Plus encore peut-être que leurs équipements, l’organisation massive et complexe des entreprises est la manifestation tangible de la technologie avancée. » (p156)

Quand une méthode devient si profondément associée à une institution et que nous ne savons plus ce qui fut là en premier – la méthode ou l’institution –, il est alors difficile de changer l’institution ou même d’imaginer des méthodes alternatives pour atteindre des objectifs. (p158)

CH 9 Le scientisme (p159)

[…] l’esprit de cet idéal scientifique a incité de nombreux hommes à croire que l’étude du comportement humain peut donner lieu à des connaissances aussi fiables et prévisibles que celles des étoiles et des atomes. [cf Claude-Henri de Saint-Simon, Prosper Enfantin, Auguste Comte] (p161)

Par scientisme,je désigne trois idées interdépendantes qui, prisent dans leur ensemble, forment un des piliers de la Technopoly. […] La première et la plus importante est que les méthodes des sciences naturelles peuvent être appliquées à l’étude du comportement humain. […]

La seconde […] est que les sciences humaines et sociales formulent des principes spécifiques qui peuvent être utilisés pour organiser la société sur une base rationnelle et humaine. Ce qui implique que des dispositifs techniques – généralement des « techniques invisibles » contrôlées par des experts – peuvent être conçus pour contrôler et influencer le comportement humain.

La troisième idée est que la foi en la science peut servir de système de croyance qui répond à toutes les questions existentielles et induit une certaine conception du bien-être, de la morale et même de l’immortalité. (p161-162)

[…] il n’existe quasiment aucune expérience qui permette de démontrer qu’une théorie en sciences sociales est fausse. Selon toute vraisemblance, les théories en sciences sociales tombent dans l’oubli parce qu’elles sont rébarbatives, et non parce qu’elles sont réfutées. [cf Karl Popper] (p165)

En fait, un chercheur en « sciences » sociales diffère assez peu d’un auteur de fiction, tous deux se proposant d’interpréter à leur manière un ensemble d’événements humains et étayant leurs propos sur des exemples. (p169)

[…] il semblerait que la Technopoly ne veuille plus entendre parler de ce genre d’histoires [cf Freud, Marx, McLuhan], mais préfère les remplacer par des faits – concrets et scientifiques. On pourrait même dire que la connaissance précise l’emporte sur la connaissance véridique, et qu’en tout cas la Technopoly veut résoudre un bonne fois pour toutes le dilemme de la subjectivité. Dans une culture où la machine, avec ses opérations impersonnelles et répétables à l’infini, est une métaphore du contrôle, considéré comme l’instrument du progrès, la subjectivité devient foncièrement inacceptable. La diversité, la complexité et l’ambiguïté du jugement humain sont des ennemis de la technique. (p173)

Dans la Technopoly, il ne suffit pas de soutenir que la ségrégation des Noirs et des Blancs dans les écoles est immorale […]. Il faut montrer aux tribunaux que des tests universitaires et psychologiques standardisés révèlent que les Noirs réussissent moins bien que les Blancs et se sentent humiliés lorsqu’il y a discrimination. Dans la Technopoly, il ne suffit pas de dire qu’il est immoral et dégradant de laisser des gens vivre dans la rue. […] Il faut fournir des données statistiques qui révèlent que les personnes sans abri sont malheureuses et constituent un manque à gagner pour notre économie. (p174)

C’est le monde des citoyens perdus, en quête d’une autorité morale incontestable, qui implore les scientifiques de s’exprimer en tant que tels, pas en tant qu’individus comme les autres. Mais ceux-ci ne peuvent pas se plier à ce besoin de vérité tout en restant honnêtes. (p176)

Voilà donc ce que l’entends par scientisme. […] C’est l’espoir, le désir, et finalement la croyance illusoire qu’un ensemble de procédures standardisées – appelées « science » – peuvent nous fournir, en tant que source d’autorité morale irrécusable, une base suprahumaine pour répondre à des questions [d’ordre éthique]. (p177)

La science peut nous dire quand un cœur commence à battre ou quelles sont les chances statistiques de survie des bébés prématurés. Mais elle n’a pas plus d’autorité que vous ou moi pour établir des critères tels que la « vraie » définition de la « vie », de l’âtre humain ou de l’identité. (p178)

CH 10 L’appauvrissement des symboles (p181)

Le blasphème, au fond, reconnaît au plus haut point le pouvoir d’un symbole. Et celui qui commet cet outrage prend autant les symboles au sérieux que celui qui les idolâtre. (p181)

Dans la Technopoly, la banalisation des symboles culturels majeurs est en grande partie l’œuvre d’entreprises commerciales. (p182)

A travers les gravures, lithographies, photographies puis, plus tard, les films et émissions de télévision, les symboles religieux et nationaux se sont transformés en lieux communs, suscitant l’indifférence et même du dédain. (p182)

Au tournant du siècle [XIXe], le meilleur moyen de promotion des produits et des idées n’était plus fondé sur la raison mais sur la psychologie de l’inconscient et la théorie esthétique. Ce faisant, les annonceurs rejetèrent l’un des principes fondamentaux de l’idéologie capitaliste, celui du consommateur qui choisit un produit dans son propre intérêt, après examen rationnel et minutieux de ses besoins et de la qualité du produit. […] Aujourd’hui, la publicité télévisée, par exemple, se focalise rarement sur la nature du produit, mais plutôt sur l’identité de son futur consommateur. (p185-186)

Ce qu’il faut retenir, c’est que les cultures s’attachent toujours à divers récits, même s’ils les conduisent tout droit à la catastrophe. L’alternative est de vivre dans un monde sans aucun sens, ultime négation de la vie elle-même. (p188)

L’importance de la Constitution américaine réside essentiellement dans sa fonction de récit symbolique, qui est en quelque sorte l’équivalent politique de la Genèse. (p188)

Mais il ressort à chaque fois que la banalisation et l’appauvrissement des symboles sont à la fois le symptôme et la cause du déclin. (p189)

« Nous vivons à une époque, écrit Irving Howe, où tous les systèmes qui structuraient (même imparfaitement) autrefois la vie intellectuelle occidentale, des théologies aux idéologies, menacent de s’effondrer dangereusement. Il en résulte une forme de scepticisme, d’agnosticisme et même de nihilisme où même les esprits les plus conventionnels peuvent en arriver à questionner tout jugement de valeur. »

Face à un tel désarroi, le récit de la Technopoly prend la forme d’un dogme qui prône un progrès sans limites, des droits sans responsabilité et des technologies sans conséquences. Ce dogme ne repose sur aucun fondement moral, mais sur le seul culte de l’efficacité, de l’intérêt personnel et de la croissance économique. (p192-193)

CH11 Ame rebelle (p195)

[… l’idéal technocratique du système éducatif est de former] une personne désengagée et sans point de vue personnel, mais qui possède de nombreuses compétences très recherchées sur le marché. (p199)

 […] l’histoire n’est pas une discipline parmi d’autres : chaque discipline a en effet une histoire, y compris la biologie, la physique, les mathématiques, la littérature, la musique et les arts plastiques. Je proposerais donc que chaque professeur donne des cours d’histoire propres à ,sa discipline. Par exemple, faire un état des lieux de nos connaissances actuelles en biologie sans évoquer également ce que l’on en savait hier, ou croyait en savoir, c’est réduire la connaissance à un simple produit de consommation. (p203)

[…] la connaissance n’est pas une chose établie, mais un stade du développement de l’humanité, avec un passé et un avenir. (p203)

Il n’y a aucune histoire définitive de quoi que ce soit ; il y a seulement des histoires, des inventions humaines, qui ne nous donnent pas la réponse mais des réponses à des questions qui ont été posées dans un certain contexte et d’une certaine manière. (p204)

Les professeurs d’histoire doivent aller au-delà des événements pour pénétrer la sphère des concepts, théories, hypothèses, comparaisons, déductions et analyses. Le but étant d’élever le niveau d’abstraction dans l’enseignement de l’histoire. Cette idée vaut d’ailleurs pour toutes les matières, y compris la science. (p206)

Dans the Identity of Man, Bronowski écrit : « Le paradoxe de l’imagination dans la science est qu’elle a pour but l’appauvrissement de l’imagination. Par cette formule choquante, je veux dire que sa principale caractéristique est d’empêcher la prolifération de nouvelles idées. Dans le domaine de la science, une grande théorie est une théorie parcimonieuse, et un modèle de l’univers est d’autant plus riche qu’il est pauvre en hypothèses. » (p206-207)

Outre l’ajout d’une dimension historique sérieuse à chaque cours de science, je proposerais que, dans chaque établissement scolaire – du cours élémentaire à l’enseignement secondaire – soit proposé et imposé un cours de philosophie de la science. (p207)

Tout professeur devrait ainsi enseigner la sémantique, dans la mesure où il est impossible de dissocier le langage de ce que l’on appelle la connaissance. (p208)

L’étude historique de l’art constitue par ailleurs le meilleur moyen de nous délivrer de la tyrannie du présent. (p210)

En simplifiant à l’extrême, un jeune homme qui croit que Madonna est le summum de l’art musical n’est pas à même de faire la différence entre l’ascension et le déclin de l’humanité. (p210)

Je souhaite proposer que les programmes scolaires incluent un cours de religion comparée. […] Aucun système d’éducation ne peut faire l’impasse sur des textes comme la Genèse, le Nouveau testament, le Coran ou la Bhagavad-Gita. […] A ces quatre textes, j’ajouterais Le manifeste du parti communiste […]. (p212)

 

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Le problème de ce texte c’est que s’il a bien un certain recul critique sur la technique, il reste beaucoup trop prisonnier d’un « matérialisme historique » de facture classique : ainsi, ce seraient les innovations techniques qui « produiraient » de nouvelles idées, etc. … Ce texte reste également prisonnier d’une vision cumulative des connaissances… Or, il me semble qu’il faudrait aujourd’hui plutôt considérer que c’est un bouillonnement beaucoup plus général d’une époque donnée qui s’exprime d’un côté par de nouvelles technologies, de l’autre, par de nouvelles idées : ce ne sont finalement que des aspects différents d’un identique Zeitgeist, comme dirait Hegel…, tendances qui se renforcent tout en s’opposant les unes aux autres, dans une confrontation de plusieurs Zeitgeiste… (là, normalement, papy Hegel a dû se retourner dans sa tombe…).

 

 

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Neil Postman, Technopoly, l’échappée 2019 [1992]
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